Bienvenue chez moi avec des chats, des pensées du Jour et des tableaux de chats
Représentation d'un Aurochs aux prises avec des loups
par Heinrich Harder en 1920 (Wikipedia)
Je partage un très beau billet que vous pouvez retrouver
chez Jean-Louis ici Nature ici ailleurs
Ce vendredi 12 février, on célèbre le nouvel an chinois sous le signe du bœuf. L'occasion de revenir sur l'histoire de cet animal, histoire qui commence triomphalement et qui, on l'espère, ne finira pas trop mal…
Au diable le rat, vive le bœuf ! Ce dernier devient officiellement l’animal du nouvel an lunaire chinois. À en croire les récits, le bovin n’aurait pas démérité. Invité à participer à une course, avec onze autres animaux, jusqu’à la Porte Céleste par l’Empereur de Jade, le dieu des dieux, notre brave bête aurait atteint le bord d’un fleuve qu’il restait à traverser avant l’arrivée triomphale. Mais, le rat lui sauta dessus pour traverser, puis se jeta en avant sur l’autre rive et devint ainsi le premier des animaux du zodiaque chinois. Pas très honnête le rongeur ! On découvre, par ailleurs, que ce dernier devait réveiller le chat pour participer à la course et qu’il s’en est bien gardé. Cela explique pourquoi le chat ne figure pas dans les signes du zodiaque et entretient toujours des relations irréconciliables avec le rat. En levant davantage le voile sur cette étrange ménagerie, on constate qu’elle n’a rien d’exemplaire.
Le cochon, par exemple, avait souhaité être juge dans cette course historique. Mais au lieu de s’investir comme tous les animaux, il vint se placer directement à l’arrivée. L’empereur apprenant la supercherie, le dégrada à la dernière place. Cela dit, le bœuf (ou le buffle) devrait incarner cette année des valeurs traditionnelles. Il aime la famille, le travail et la constance. Reste à savoir si Barack Obama, Daniel Auteuil, Florence Foresti, George Clooney et bien d’autres se retrouveront dans ce signe auquel ils appartiennent. Quoiqu’il en soit, la consécration du bœuf invite à plonger dans ses racines.
L’ancêtre baptisé aurochs, est un sacré gaillard. Un bovin sauvage pouvant afficher les 2 mètres au garrot et plus d’une tonne sur la balance. Avec ses grandes cornes en forme de lyre, il n’a pas grand-chose à craindre mis à part les lions, les tigres ou les loups, ce qui n’est déjà pas si mal. Mais c’est plutôt de l’homme dont il aurait dû se méfier…
Tout commence avec les Néandertaliens qui lui mènent la vie dure. Le massacre se poursuit partout dans le monde où il tente de survivre. Seuls les grands massifs forestiers d’Europe font office d’ultime refuge. Au XIIIe siècle, son territoire se limite à la Prusse, la Pologne, la Lituanie, la Moldavie et la Transylvanie. Les populations d’aurochs se sont réduites comme peau de chagrin au point que seuls les nobles se réservent le droit d’abattre les survivants, ils espèrent ainsi réduire l’hémorragie. Mais rien n’y fait, le déclin se poursuit inexorablement au point qu’en 1564, il ne reste plus qu’une trentaine d’aurochs épargnés dans une forêt Polonaise. Trois mâles et deux femelles sont encore en vie en 1602. L’espèce finira par s’éteindre 25 ans plus tard. Non seulement la chasse et la réduction de l’habitat ont sonné le glas de l’aurochs, mais les maladies véhiculées par le bétail lui ont été fatales.
La terre compterait 1,7 milliard de bovins, répartis principalement en Inde
Apparu du côté de l’Inde, il y a quelques 2 millions d’années, « Bos primigenius », autrement dit l’aurochs, a laissé trois branches en Asie, en Europe et en Afrique. C’est au Proche-Orient que l’on retrouve les premières traces d’une domestication, il y a quelques 10 500 ans. Ainsi, après avoir traversé le temps, avant de succomber à l’agression des hommes, l’aurochs a généré une multitude de races qui ont satisfait nos besoins. Aujourd’hui, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime que la terre compterait 1,7 milliard de bovins, répartis principalement en Inde, suivi par le Brésil, la Chine et les États-Unis. Côté Europe, c’est la France qui compte le plus grand nombre de têtes, devant l’Allemagne et le Royaume-Uni.
Celui qui figurait sur les peintures rupestres n’a pourtant pas dit son dernier mot. Durant les années 1920 à 1935, deux frères biologistes allemands, les Heck (dont on dit qu’ils furent proches du régime nazi) décident de restaurer génétiquement le bovin d’origine. En croisant des races domestiques rustiques supposées proches de l’aurochs, les chercheurs d’outre-Rhin espèrent retrouver cet animal supportant des températures de moins 30°, se nourrissant d’une pauvre végétation et disposés à se battre pour conquérir les femelles. Quelques animaux correspondant aux critères survivront au deux guerres et essaimeront dans divers parcs Européens dont plusieurs dizaines d’élevages en France.
L’aurochs reconstitué, surnommé « néo aurochs », a donc refait surface. Il n’y a pas si longtemps, un séquençage du génome à partir d’ADN fossile datant de plus de 7 000 ans, a prouvé la proximité génétique des aurochs actuels. Les voilà désormais dans des circuits en tous genres : tourisme, produits cuisinés, entretien d’espaces naturels, exploitation du cuir, etc… Mais certains spécialistes continuent de penser que l’aurochs du XXIe siècle reste plus chétif que ses ancêtres et veulent relancer l’idée d’obtenir une espèce parfaite.
L’improbable destin de l’aurochs le conduit aujourd’hui à nous guider durant cette nouvelle année chinoise. Gageons qu’à l’occasion de la COP 15 qui se tiendra en Chine, à Kunming, les nations sauront s’inspirer de la renaissance de l’aurochs pour engager la même démarche en faveur de la biodiversité.
Allain Bougrain-Dubourg