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Bienvenue chez moi avec des chats, des pensées du Jour et des tableaux de chats

Pour qui sont ces serpents ?

Pour qui sont ces serpents ?

Je partage l'excellent article de Jean-Louis que vous pouvez retrouver ici

Nature ici ailleurs

 

Pourquoi diable Ève s’est-elle laissé tenter par la pomme ? Dans cette affaire, plus que le fruit défendu, c’est le serpent qui portera l’éternelle culpabilité. Le voilà marqué au fer rouge de l’histoire au point de figurer parmi les animaux les plus haïs. Qu’a-t-il à dire pour sa défense ?

Un seul regard suffit à mesurer ses handicaps. Dépourvu de membres, il se voit incapable d’exprimer des sentiments comme le ferait un chien. Même ses yeux figés (il n’a pas de paupière) lui donnent un regard glacial, capable d’hypnotiser l’ennemi, dit-on. Cette légende s’ajoute à tant d’autres. Notre animal serait froid, faux. Gluant, tout autant inexact. Ajoutons au palmarès de l’improbable qu’il se mettrait en cercle pour dévaler plus facilement les pentes. Qu’il se délecterait de lait aux pis des vaches ou encore qu’on le lâcherait d’hélicoptère pour recoloniser les sites désertés. Les fantasmes l’emportent bien largement sur la réalité.

Pour avoir longuement étudié, capturé et manipulé des serpents de Charente-Maritime pour le compte du Muséum d’Histoire Naturelle de la Rochelle, j’ai constaté un mode de vie bien différent de celui décrit dans les campagnes. En premier lieu, qu’il soit vipère ou couleuvre, le serpent français n’est en rien agressif. Face à un danger, il se montre même plutôt couard, préférant de beaucoup la fuite à l’attaque. Ce n’est qu’acculé, contraint et forcé qu’il en viendra, en ultime recours, à faire face. Guillotiné par la bêche, piétiné du talon, piégé, noyé dans l’alcool, le serpent a subi tous les supplices comme si les sanctions médiévales méritaient de perdurer pour lui seul. Mais le pire châtiment reste le bouleversement de son milieu naturel. L’artificialisation par le béton et l’asphalte a étouffé son territoire. Or, notre reptile n’a rien d’un migrateur. Il n’est pas dans sa nature d’aller rechercher ailleurs ce qu’il a perdu ici. Naïvement fidèle à ses racines, il subit, discrètement, pathétiquement, avant de s’effacer du paysage.

Que sont devenus les buissons, les pierrailles ou les haies qui faisaient office de refuges ? Effacés. Les territoires d’autrefois, désormais aseptisés, n’offrent plus le gîte et le couvert aux ophidiens. Qui se plaindrait du reste de ne plus les croiser ? Le jour où la vipère aspic ressemblera à une mésange charbonnière, on en reparlera. En attendant, bon débarras. Il est temps de dire la vérité, de décrire même brièvement le quotidien des animaux victimes d’incompréhension. Commençons par la langue. Ni menaçante, ni venimeuse, elle sort périodiquement pour analyser le milieu extérieur. Sa sensibilité fait office d’olfaction. Un bel outil pour la reconnaissance des sexes en période de reproduction. Mais c’est la vision qui permet d’identifier les proies. L’attaque est alors rapide. Elle est suivie par un étouffement puis l’ingestion, toujours commencée par la tête. Chez la vipère, c’est après la morsure que le reptile part à la recherche de sa victime.

Au lendemain de l’hivernage (souvent collectif) le besoin d’accouplement se fait sentir. Particularité, les mâles disposent de deux pénis (appelés hémipénis). Tandis que l’un s’introduit dans le cloaque de la femelle, l’autre reste au repos… avec parfois la tentation de prendre aussi du plaisir. Quoi qu’il en soit, chez la vipère aspic, l’accouplement peut s’éterniser durant deux heures et se répéter 5 à 6 fois durant la période sensible d’une dizaine de jours. Tandis que les vipères mettent au monde des jeunes formés, la plupart des couleuvres pondent des œufs qui, couvés naturellement (terreau, fumier, etc…) laisseront les petits déchirer la coquille pour gagner leur nouvelle vie.

Un mot sur la mue qui permet périodiquement au serpent de grandir. Les écailles recouvrant les yeux commencent à devenir opaques puis, à partir des mâchoires, c’est toute la peau qui se retourne « comme le doigt d’un gant » grâce aux frottements du serpent contre des obstacles. Si l’animal est en bonne santé, sa mue se retire d’une traite et sans tarder. Et puisque nous en sommes à la peau, ne se fier ni à la couleur, ni aux dessins pour tenter de faire la différence entre une vipère et une couleuvre. En France, la seule manière infaillible de savoir consiste à regarder droit dans l’œil. Si la pupille est ronde, c’est immanquablement une couleuvre. Si elle est verticale, c’est sans aucun doute une vipère.

Venons-en enfin aux bienfaits qu’il serait légitime de reconnaître aux serpents. Évidemment, l’ophidien incarne la prospérité, la fertilité et le bien-être pour les Grecs anciens, ce qui conduira jusqu’à nos jours Esculape à devenir le symbole des professions médicales. Les 12 espèces de serpents françaises sont toutes protégées par la loi. Autrement dit, interdit de les capturer et encore moins de les tuer. On leur reconnaît un rôle non négligeable dans la régulation des rongeurs mais aussi des poissons, voire des insectes. Ils servent par ailleurs de ressource alimentaire à d’autres animaux carnivores comme les putois, les hérissons ou encore les rapaces dont le fameux aigle circaète Jean-le-Blanc qui se nourrit exclusivement de serpents.

Si d’aventure vous rencontrez un serpent dans votre jardin, ne cherchez pas à le capturer. Si vous avez le temps, prenez une photo pour le faire identifier par un naturaliste et laissez-le vivre sa vie. Il existe des plateformes téléphoniques « SOS serpents », reliées le plus souvent à des bénévoles compétents qui pourront vous indiquer la marche à suivre. En fonction des territoires, ils peuvent même se déplacer pour intervenir dans votre maison. Mais pas de panique, zéro à trois décès sont enregistrés en France par morsure venimeuse, contre 50 par piqûre d’abeille ou de frelon, sans parler des 500 000 victimes de morsures de chien chaque année.

Au fond, « La mauvaise réputation » chantée par Brassens aurait pu s’appliquer au serpent : « Je ne fais pourtant de tort à personne en suivant mon ch’min de petit bonhomme… »

Allain Bougrain-Dubourg

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L
Quel bonheur de lire ce texte Trixie; le pauvre serpent est accusé dès la Genèse de la bible (d'origine divine supposément) d'être la cause de la déchéance humaine. Or les humains se chargent très bien eux-mêmes de leur propre déchéance. Je n'élaborerai pas car un commentaire précédent (Pascale) exprime de façon magistrale ce que je pense, et bien mieux que je l'aurais fait, la triste situation dans laquelle nous (et notre planète) sommes.<br /> J'aime les reptiles de toutes sortes; ils me fascinent et je les trouve magnifiques pour la plupart. En novembre 2019, juste avant que Covid s'invite chez-nous, mon mari et moi sommes allés au "Salon des petits animaux", instructif et distrayant à la fois. Il y avait des éleveurs, des gens ayant des refuges pour animaux abandonnés, des spectacles de chiens rescapés montrant leurs talents, bref inutile de dire que l'endroit était surpeuplé d'humains au point qu'il était parfois difficile de s'y frayer un chemin. Mon kiosque préféré était celui des reptiles, tous des animaux secourus, venant pour la plupart de gens les ayant achetés sans réaliser que le mignon petit serpent, le mignon petit lézard, deviendrait grand et encombrant, voire dangereux. L'homme en charge, l'instructeur était là pour expliquer que la majorité des reptiles ne sont pas des animaux de compagnie.<br /> À ce kiosque les gens pouvaient se faire photographier avec certains de ces reptiles (non dangereux il va sans dire) et l'argent amassé (il fallait payer évidemment) servait au refuge de ces animaux mal-aimés. Réal et moi avons pris une photo ensemble. Je vais tenter de te l'envoyer plus tard.<br /> En passant les serpents ont une peau merveilleusement fraîche et soyeuse au toucher. Ce n'est pas pour rien que les peaux de serpents et d'autres reptiles  aient eu (et aient peut-être encore) un tel succès en maroquinerie.
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S
"Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes"...                                                         Merci Béa pour ton article sur les serpents qui ne sont pas mes animaux favoris!<br /> Bises déjà chaudes
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É
C'est un bel article plaidoyer pour les serpents. J'avoue les éviter.
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P
Un bel article. Comme tu le sais j'aime les animaux et le serpent est le seul qui me répugne. C'est vraiment idiot de ma part j'en suis consciente. Pourtant j'ai des tortues que je manipule et qui ont une tête de serpent mais leurs yeux ne sont pas les mêmes. Je peux toucher des lézards, gros et petits mais les serpents je fais un blocage. Bien-sûr je ne vais pas leur faire du mal. Un jour une petite vipère était rentrée dans la véranda. Bon, j'étais surtout craintive pour mes chiens et chats..Bonne fin de journée à toi. Bisous
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L
Chez moi on aime les serpents, d'ailleurs il y en a un qui partage notre vie depuis plusieurs année déjà.
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U
Bonjour Béa,<br /> Moi j'aime les serpents, je les trouve magnifiques. Bon je n'irais pas jusqu'à en prendre un à la maison, mais je ne les déteste pas, et puis ils étaient là avant moi non ? <br /> Bonne journée, grosses bises, Véronique
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C
Bonsoir Béa, très instructif et intéressant, que ce billet ! Bonne soirée. Bisous ♥
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N
Tu m'en apprend «béa. ,article intéressant  .bisous 
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J
Un grand merci pour ce plaidoyer pour le serpent. J'avoue que ce n'est pas mon animal préféré mais il est bon de remettre les pendules à l'heure quant à sa réputation. J'ai eu l'occasion d'en rencontrer à plusieurs reprises que ce soit couleuvres ou vipères, jamais ils ne m'ont attaquée , ils se sont contentés de prendre la poudre d'escampette pour mon plus grand soulagement.<br /> Bon dimanche <br /> Bises 
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D
Article très intéressant. Chez mes grands parents beaucoup de vipères, j'en avais un peu peur. Je suis du signe chinois du serpent qui leur reconnaît beaucoup de qualités. <br /> Bises
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