• La nuit de la chouette

    La nuit de la chouette

    La Chouette hulotte (Strix aluco) ou Chat-huant, plutôt forestière, est cavernicole mais elle n’hésite pas à utiliser également des ruines de bâtiments, à l’occasion, comme c’est le cas ici… Photo : JLS 

     

    Une très belle lettre que je partage avec vous 

    Voir l'article ici chez Jean-Louis ici Nature ici ailleurs

     

    C'est une histoire qui commence mal mais qui pourrait finir bien avec de la volonté : la chouette, malmenée dès le départ dans la Bible, essaye de réhabiliter son image grâce à la Ligue de protection des oiseaux et des ornithologues. La Nuit de la chouette, qui commence le 6 mars et dure un mois, va vous faire aimer cet animal nocturne…

    À l’évidence, peu d’animaux ont été aussi clivants que la chouette. L’amour ou la haine, pas de juste milieu avec cette reine des ténèbres. L’ornithologue Guilhem Lesaffre en témoigne dans son Anthologie des chouettes et des hiboux (éditions Delachaux et Niestlé) en passant en revue les bonnes et mauvaises fortunes du rapace selon les époques et les lieux.

    « Cela commence mal » regrette-il en rappelant que les textes bibliques classent les animaux en « purs ou impurs ». L’orfraie (comprendre chouette effraie), le hibou, la chouette, le chat-huant (chouette hulotte) sont jugés impurs et sont sur la liste des infréquentables. Par bonheur, les choses s’arrangent en Grèce avec Athéna, la fille de Zeus. Flanquée d’une chouette, elle incarne la sagesse, la raison et la connaissance. Mais l’hommage à l’oiseau au bec crochu ne passera pas la frontière. En France, on l’associe à la sorcellerie et pour conjurer le sort, on clouait des cadavres de chouettes sur les portes des granges, il n’y a encore pas si longtemps. « Nous n’avons pas le monopole de la médisance » précise Guilhem Lesaffre qui peut égrener une multitude de pays haineux. « En Écosse, la rencontre avec une chouette en plein jour est un mauvais présage. En Pologne, elle incarne la mort et le mauvais sort. Au Maroc, le hululement de la chouette pourrait tuer des enfants ». Certains pays lui rendent pourtant grâce. En Louisiane, par exemple, les chouettes méritent le respect car ce sont des réincarnations de vieilles personnes tandis qu’au Pérou, les Mayas vénéraient l’oiseau en raison de la beauté de ses yeux. Pour les aborigènes australiens, il n’est pas question de s’en prendre à la chouette, elle représente l’âme des femmes (celle des hommes étant la chauve-souris).

    Revenant sur l’historique, Michel Terrasse qui, avec son frère Jean-François, a créé le Fonds d’Intervention pour les Rapaces, rappelle qu’il a fallu du temps avant d’effacer les mauvaises habitudes. Feuilletant ses archives dans sa maison de la Garenne-Colombes, il conserve des coupures de presse jaunies mais éloquentes. Ici un cadavre d’un grand-duc exhibé avec fierté, là des chouettes empaillées. Sale temps pour les nocturnes.

    « En France, c’est seulement en 1972 qu’un arrêté protège enfin les rapaces, qu’ils soient diurnes ou nocturnes. Mais quelques décennies seront nécessaires avant que les redoutables pièges à mâchoires leur coupant les pattes soient enfin relégués » se rappelle-t-il. 

    Par bonheur, la tolérance a gagné du terrain, mieux, elle a aiguisé la curiosité des plus jeunes. Non loin de Bordeaux, Olivier Le Gall, ancien patron scientifique de l’INRA, s’épanouit désormais pleinement dans la protection des oiseaux. Au-delà des espèces à protéger, c’est peut-être le flambeau à passer qui l’obsède. L’éducation à l’environnement et au développement durable s’inscrit comme une priorité : « si nous ne passons pas le relais aux futures générations pour préserver la biodiversité, nous allons dans le mur » résume ce scientifique qui considère la chouette comme une excellente ambassadrice. « Il faut savoir que les rapaces nocturnes avalent tout, parfois d’un seul coup. La chair, partie molle des proies, est absorbée puis évacuée par les fientes. Restent la peau, les poils, les plumes ou les os. Faute de pouvoir les digérer, ils sont évacués par le bec sous forme de pelotes de réjection ». La chasse aux pelotes est ouverte pour tous les jeunes curieux de nature. En récoltant les petits amas ne dépassant pas les 30 à 80 mm pour une chouette effraie, ils disposent des éléments de l’enquête. Reste à disséquer ces témoignages alimentaires. Il est alors possible d’identifier le crâne d’un rongeur, l’élytre d’un coléoptère ou le mollet d’une grenouille et de reconstituer le quotidien du rapace.

    Lors des animations organisées par la Ligue de protections des oiseaux (LPO) pour sensibiliser les plus jeunes, la dissection des pelotes de réjection fait partie des passages obligatoires. « Celui qui mène l’enquête a toutes les chances de devenir un véritable ornithologue » sourit Olivier Le Gall. Viendra ensuite les observations de terrain, puis le baguage des oiseaux, dernière étape avant de pouvoir prétendre à la compétence ornithologique. Mais plus que des « rapaçologues » chevronnés, la LPO souhaite toucher le plus grand nombre.

    C’est ainsi que naissait, il y a 26 ans, la première Nuit de la chouette qui se déroule tous les deux ans. Objectif : inviter les familles à abandonner leur téléviseur pour partir à la rencontre du peuple de la nuit. Vanessa Lorioux en charge du pôle « mobilisation citoyenne » à la LPO, se souvient : « Au début, ce n’était pas évident. « Sacrée soirée » devant le petit écran semblait plus séduisant qu’une sortie en forêt… Et contre toute attente, nos rendez-vous improbables ont finalement attiré une multitude de spectateurs ». Aujourd’hui, toutes les animations gratuites proposées, avec le concours de l’Office Français de la Biodiversité, réunissent plusieurs dizaines de milliers de personnes dans quelques 500 sites. Au programme : des conférences, des jeux, des dissections de pelotes de réjection, des écoutes de chants et bien d’autres initiatives à retrouver sur le site de la LPO. Cela dit, le couvre-feu imposant de rentrer à la maison lorsque les chouettes sortent de chez elles, le chassé-croisé ne facilite pas l’observation. C’est donc essentiellement en virtuel qu’il sera possible de s’investir dans « La Nuit de la chouette » cette année, même si chacun pourra sortir dans son jardin, sur son balcon ou simplement à sa fenêtre pour écouter des sons de la nuit…

    Une chouette pourrait entendre le bruit d’un stylo sur un papier à plus de 25 mètres de distance

    Du côté de l’Alsace, Yves Muller, ornithologue émérite, sera au rendez-vous. Il a bien souvent accompagné les sorties nocturnes pour identifier les oiseaux. « On reconnaît facilement la chouette effraie à ses « ronflements ». Il suffit de s’attarder près d’un clocher pour espérer les entendre. Elle émet également de longs cris aigus rappelant le chuintement d’une locomotive qui, tout en démarrant, lâche sa vapeur » s’amuse le biologiste. Difficile de l’arrêter lorsqu’il s’enthousiasme. « Chez les mammifères, c’est l’odorat qui domine, chez les oiseaux c’est plutôt la vue mais chez les rapaces nocturnes, c’est l’ouïe qui reste la plus performante ». La revue Science confirme. Des études conduites par le California Institute of Technology ont montré qu’une chouette effraie pouvait localiser le petit cri d’un campagnol grâce à une sorte de « carte auditive » située dans le cerveau. Ainsi la chouette en question pourrait entendre le bruit d’un stylo à bille sur un papier à plus de 25 mètres de distance ! 

    Les performances du peuple emplumé de la nuit ne peuvent pour autant effacer les dangers qui les menacent. La Nuit de la chouette a aussi pour vocation leur protection. Au registre des menaces, il est rappelé les dangers potentiels. Abattage des arbres creux, aménagements des combles, transformations des prairies en cultures, suppression des haies, assèchement des marais sont autant d’insécurité pour les rapaces nocturnes. Des solutions existent, elles seront évidemment proposées lors de la 14è édition de la Nuit de la chouette, pendant un mois, à partir du 6 mars.

    Allain Bougrain-Dubourg


  • Commentaires

    1
    Dimanche 21 Mars 2021 à 07:29

    Encore une belle lettre ma Béa.

    Bises et bon dimanche

    2
    Dimanche 21 Mars 2021 à 08:05
    marine D

    A protéger absolument bien sûr, comme elle est belle ! En céramique j'aimais les façonner comme les tortues. Merci pour cet article Béa

    3
    Dimanche 21 Mars 2021 à 08:09
    marine D

    Et je t'envoie ce petit poème écrit sur la petite hulotte 

     

    Au fond du bosquet,

    Dans le creux de la nuit

    La petite hulotte aux grands yeux

    Veille aux côtés de la lune

     

    Le renard parcourt son domaine

    Le chevreuil froisse les ramures

    Le sanglier sort de sa bauge

    De ci de là, le blaireau flaire

    Agitation sous la futaie…

     

     

    Dans le creux de la nuit

    La petite hulotte

    Veille au bord de nos nuits

    La petite hulotte

    Voit le chemin des songes…

     

         marine D

      • Dimanche 21 Mars 2021 à 15:59

        Merci Marine pour ton beau poème.

        Bisous

    4
    Dimanche 21 Mars 2021 à 08:33

    C'est une histoire qui ne continue pas bien. Chouettes et hiboux se raréfient de plus en plus.  Les fermes ne laissent plus d'accès parce que "ça salit", des vieilles bâtisses, il y en a de moins en moins. Pour les espèces qui nichent dans les arbres, de vieux et grands arbres, il n'y en a plus guère. Comment sauver une espèce quand on ne lui laisse pas la place pour nicher ? 

    Bonne journée Bea

    5
    Dimanche 21 Mars 2021 à 09:44

    Je suis en admiration devant tout ce que tu réussis à trouver d'actualité sur les animaux... Et je m'amuse de voir que, amoureuse des chats, tu parles de la chouette appelée aussi "chat huant" ! J'en ai aperçu une hier perchée sur un arbre auprès de la route sur laquelle je passais. Oui, il faut faire attention de ne pas les faucher au passage. Je l'ai aussi entendue piauler plusieurs fois en me promenant.

    6
    Dimanche 21 Mars 2021 à 10:00
    Bon dimanche Béa <3
    Bisous
    7
    Dimanche 21 Mars 2021 à 10:29

    ces rapaces sont tellement magnifiques et utiles ce serait bien triste de les voir disparaître bises et bon dimanche  

    8
    Dimanche 21 Mars 2021 à 11:18

    Ah oui cela commençait vraiment mal pour ces rapaces nocturnes avec toutes les superstitions qui leur étaient attachées . Je les ai vues ces pauvres bêtes clouées sur des portes de grange quand j'étais petite .

    Heureusement que la loi a fini par les protéger sinon je crois bien qu'on n'en verrait plus . En face de chez moi il y avait un couple de hulottes , l'une d'entre elle est morte , mystère sur la cause , je l'ai retrouvée à terre . J'espère que les arbres morts abattus récemment  n'abritaient pas  la survivante .

    Bon dimanche 

    Bises 

    9
    Dimanche 21 Mars 2021 à 11:46

    Un très chouette article ;-)
    Ce sont des animaux magnifiques, et que ce soit à Montpellier ou ici, j'ai la chance d'en avoir dans mon environnement, mais c'est la nuit que je les entends, la journée elles sont cachées dans les maisons abandonnées en vieilles pierres.
    Bises et bonne journée Béa

    10
    Dimanche 21 Mars 2021 à 13:19

    Eh bien pauvre petite chouette comme on dit aux enfants des fois. Contente d'en savoir un peu plus sur elles . bises Béa xxx

    11
    Dimanche 21 Mars 2021 à 15:40
    Une fleur de Paris
    Bonjour Béa,
    Je les adore. Ma fille les entend la nuit. Elle vit tout près du parc du château et la nuit ça y va. C'est très bien de les protéger.
    Bonne journée, bises Véronique
    12
    Dimanche 21 Mars 2021 à 15:56
    claudia

    J'ai une chouette qui vient toutes les nuits. J'espère bien aux beaux jours réussir à la photographier :-)

    13
    Dimanche 21 Mars 2021 à 16:20
    Renée

    Très très belle lettre et j'avoue ne pas comprendre que cet animal ne soit pas aimé il est si beaux! bisous doux dimanche

    14
    Dimanche 21 Mars 2021 à 17:33

    Immens etendresse pour ces mal-aimées! 

    Longue vie à ces beautés de la nuit !

    Bises Béa

    15
    Dimanche 21 Mars 2021 à 19:48

    Bonsoir Béa. C'est vrai que les chouettes ont été souvent mal-aimées et maltraitées. Bonne soirée et bisous

    16
    Dimanche 21 Mars 2021 à 22:36
    careli

    et on la trouve sur la pièce d'un (ou 2 ?) euro(s) en Grèce. Ici les chouettes sont nombreuses et on en voit souvent la nuit sur les piquets des clôtures

    17
    Lundi 22 Mars 2021 à 01:06
    colettedc

    Merci de partage Béa ! Chouette, la chouette !!! Bonne semaine ! Bises

    18
    Lundi 22 Mars 2021 à 08:22

    Bonjour 

    Quelle belle histoire, ma fille collectionne les chouettes, à la maison, nous les adorons et il nous est arrivé d'aller le soir au bois pour les voir, nous étions tapies et nous ne bougions plus, c'était magnifique, elles se répondaient et elles volaient au dessus de nous, aujourd'hui, ce ne serait plus possible, il y a trop de voyous et de gens malfaisant

    J'ai découvert ton blog par hasard, je n'ai pu m'empêcher de commenter, le post était tellement beau avec ce magnifique sauvetage du pauvre petit chat.

    Je vois chez toi des blogs amis.

    Merci de m'avoir permis de voir tes merveilles 
    Bonne journée 

    Bises amicales 

    Méline

    19
    Lundi 22 Mars 2021 à 16:28

    Merci beaucoup d'avoir ainsi honoré mon blog de ta présence et de tes si charmants commentaires, nous avons quelque chose en commun, j'ai perdu mon mari, il y a presque 7 ans, oui mon amie, l'absence est cruelle.

    Je suis heureuse d'avoir trouvé en  une nouvelle amie, je te mets dans mes favoris et je m'inscris à tes news pour te suivre dans tes magnifiques post

    Bonne journée ma chère amie

    Gros Bisous 

    Méline

    20
    Mardi 23 Mars 2021 à 10:02

    Protégeons les chouettes qui sont si belles et si utiles à la nature;

    J'en entend une hululer le soir autour de chez moi, alors je me sens bien, j'ai l'impression qu'elle protège ma maison.

          bonne journee - Page 5

      • Mardi 23 Mars 2021 à 17:57

        Merci pour ton beau minou de soirée.

        Bises Annie

    21
    Mardi 23 Mars 2021 à 17:54

    Une jolie photo cette chouette bonne soirée bisous

    22
    Lundi 5 Avril 2021 à 17:21

    Merci Béa pour cette très belle et intéressante lettre qui met les rapaces à l'honneur.

    Bisous 

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